Il est, près des abattoirs de Cuiseaux, au milieu de cette horreur pavillonnaire qui fleurit partout en France, un immeuble promis à une démolition prochaine. En cette journée pluvieuse, nul ne semble se soucier de son sort et encore moins qu’un étrange visiteur puisse s’introduire dans des appartements que certains verraient vides et sans intérêt. Un oubli implacable enrobe ce bâtiment d’indifférence. Pourtant, quelques heures d’errance dans ces sinistres deux pièces-cuisine à l’architecture terriblement répétitive, vous font plonger dans le quotidien d’ouvriers aujourd’hui disparus.

Une pièce semble cristalliser ces histoires personnelles qui respirent parfois une terrible solitude : la salle de bains. Que la décoration soit sobre ou tende vers un kitsch des plus douteux, ces salles de bains représentent une accumulation d’histoires personnelles. Si proches et pourtant si éloignées, hantées par ces milliards de pensées éphémères qui se pressent autour de moi. Dans ce lieu intime se joue un face à face avec soi-même où le temps qui passe se lit sur des visages qui s’observent avec étonnement. 26 salles de bains plus tard, je sors de cet immeuble, la tête remplie de mille histoires inventées qui m’accompagneront les jours de solitude.