Techniques d’exploration : revenez à Berlin, captivé par l’atmosphère historique qui surgit sans prévenir à chaque coin de rue. Roulez jusqu’à Beelitz, hôpital tentaculaire abandonné au milieu de la forêt. Rentrez par les portes, les fenêtres, les soupiraux, les sous-sols de ces bâtiments surnuméraires. Passez la journée à photographier ce monstre. Terminez en dégustant la fameuse omelette-crêpe (beurk !) du restaurant officiel des photographes de Beelitz-Heilstätten.
Bienvenue au paradis de l’exploration urbaine. 60 bâtiments répartis au milieu d’une belle forêt qui grignote petit à petit les restes de ce
que fut Beelitz-Heilstätten, un témoin unique de l’histoire tourmentée de l’Allemagne.
Il fut érigé en 1898 pour l'institut national d'assurance des travailleurs de Berlin suivant les plans de l’architecte Heino Schmieden, mais sa fonction première de sanatorium fut vite bouleversée par l’assassinat de l’archiduc François-Ferdinand. Le déclenchement de la Première Guerre mondiale entraîna son utilisation comme hôpital de guerre pour l’armée impériale allemande. Armée, dont le caporal autrichien Adolf Hitler –blessé à la jambe lors de la bataille de la Somme– fréquenta l’établissement d’octobre à novembre 1916.
Après des années au service de la république chancelante de Weimar, la mise sous tutelle de l’Allemagne de l’Est par Moscou à la fin de la seconde guerre mondiale transforma Beelitz-Heilstätten en hôpital de guerre soviétique. Il occupa cette fonction de 1945 jusqu’à 1995, soit bien après la chute du mur de Berlin et de l’état fantoche est-allemand. C’est d’ailleurs entre ses murs, qu’Erich Honecker -dernier premier secrétaire du parti communiste de RDA- trouva refuge après la chute du mur de Berlin.
Abandonné à la veille du 21ème siècle, Beelitz-Heilstätten n’en reste pas moins un témoignage unique de l’histoire contemporaine de l’Europe. Difficile pourtant de verser dans la méditation historique, tant le lieu est fréquenté par une faune hallucinante et aussi diverse que photographes, acteurs, réalisateurs, quidams curieux et autres espèces non identifiées. Pourtant, douze heures d’exploration plus tard, c’est avec la tête bien remplie d’histoire(s) que je repars vers Berlin, autre lieu dépositaire de ce qui fait ce que nous sommes aujourd’hui.