Regard furtif. Sentiments mélangés. Une partie de nos imaginations s’infiltre
dans ces lieux pendant que l’autre s’offusque avec horreur. Finalement,
le bâtiment n’est plus qu’une ombre derrière nous et nos belles âmes se
réconfortent en se disant que cela ne nous concernera jamais.
Et puis une fêlure se crée. Imperceptible. De celle qu’on croit sans
conséquence. Mais un jour, la machine s’emballe. Des gens, du haut de
leurs certitudes -qui étaient pourtant les vôtres aussi il y a peu- vous
décrètent hors-cadre, schizophrène, fou!
La machine s’emballe et vous agrippe. Le défilé commence. Les pièces
se succèdent pour terminer à poil dans une salle de bains. Prière de laisser
vos frusques et votre folie au vestiaire!
J'en repars, immaculé, dans une tenue de jeune fille. Transfert. La porte
claque. Une chambre, seul! Quelques affaires personnelles sauvées du naufrage.
De quoi s’accrocher à soi-même.
Le calme ne dure pas. Marcher? Je sais faire, mais non, une main puissante
me colle au fond d’un fauteuil. C’est fou (fou?!) comme tout semble de
travers dans ce lieu.
Pas le temps de rêver, les ordres dégringolent et le quotidien vous
tombe dessus, implacable : bosser, manger, errer au milieu d’inconnus,
se laver.
Sous prétexte de folie, je dois me foutre à poil en binôme ? Prier ?
Gober ces inepties télévisuelles ?
J’en ressors plus sale qu’avant, la peau collée aux os, les nerfs à vif.
Je vois l’aiguille me rentrer dans la peau, la chambre prendre des allures
de kaléidoscope.
"On croit qu'on emporte ses souvenirs avec soi, qu'ils battent en nous,
comme notre coeur, comme notre vie, ce n'est pas vrai. Dans cet univers
abstrait, la captivité, tout ce qui avait été marqué par nous, tout ce
qui portait nos traces, nous est enlevé. Notre passé nous devient étranger,
nous quitte, s'en va en lambeaux" (Georges Hyvernaud).
Réveil brutal et brumeux. Les jours se répètent à l’infini, à l’ennui.
Les fenêtres m’obsèdent. Elles finiront par s’effondrer. Je pourrais respirer
le soleil, partir dans ces montagnes multiséculaires à l’abri du regard
des hommes.