-123--contactlienspressenouveautés --
 

Sanatorium Martel de Janville – Issu d’une poussée philanthropique de l’écrivaine Sibylle Aimée Marie Antoinette Gabrielle Riquetti de Mirabeau, Comtesse de Martel, dit Gyp dans les milieux autorisés de la littérature qui fleuraient bon le nationalisme, la suspicion de l’étranger et la poudre à canon. Pourtant, le sanatorium accueillit un nombre important de malades étrangers, notamment des anciennes colonies françaises d’Afrique du nord.

Je n’aurais jamais cru qu’un jour, je pusse avoir les pieds plantés dans la neige à regarder d’un œil plein de défis le plus haut sommet de l’Europe. Pas plus que j‘aurais pu croire que cette saloperie puisse me rentrer dans les poumons et venir me les grignoter comme un chien ronge son os, jusqu’à en éclater le cartilage.

Les souvenirs qui me hantent lors de mes nuits mi-fièvre mi-raison me renvoient à ces journées à parcourir mon djebel natal sec et caillouteux, aux odeurs enivrantes des couchers de soleil et aux mains noires de mon père que j’embrassais à mon retour.

J’étais loin de penser que ce sifflement aigu qui se faisait chaque jour de plus en plus intense allait m’amener à traverser la Méditerranée pour atterrir devant ces montagnes si différentes de celles de mon enfance. Je n’aurais pas pensé non plus que l’idée de crever à 20 ans ait pu m’apparaître comme un événement acceptable. Encore moins que cette possibilité puisse me concerner.

Pourtant, mon ombre me renvoie aujourd’hui l’image d’un homme qui s’effondre, se recroqueville sur lui-même, au contraire de ce dôme granitique qui semble vouloir s’élancer encore plus loin dans le ciel alpin. Entouré par ces couleurs de feu automnales, mon esprit divague dans un mélange improbable de déserts arides, de neiges éternelles et de littérature surannée d’une comtesse qui n’aurait sans doute jamais imaginé qu’un kabyle de 20 ans viendrait s’éteindre à petit feu au pied du toit de l’Europe.

galeries-