Dès 1940, grâce à des fonds à l’origine énigmatique, le duo Réthoré se mit en tête d’édifier un nouveau Versailles, dans une tentative d’autoglorification fleurant bon la psychanalyse. Alphonse Réthoré, pseudo architecte coiffé d’un haut-de-forme improbable, traîna toute sa vie sa longue silhouette dont la légende dit que nul n’entendit jamais sa voix. Raymond Réthoré, l’aîné, député multirécidiviste sous des étiquettes aussi diverses que front populaire et gaulliste, passa sa vie à importer bois précieux et tableaux de maître afin de meubler les lieux.
Après avoir passé trente ans à s’inventer une vie de château, plombés par les dettes, les deux frères ne laissèrent au final dans le paysage local que ce château d’opérette et sa façade pastiche de 126 mètres de long. L’enterrement de Raymond Réthoré, trois ans après son frère, clôtura le bal dans des conditions climatiques dantesques, comme pour laver les lieux de cette débauche outrancière de kitch et de démesure.