Techniques d'exploration : contemplez d'un air blasé les parpaings massifs
qui vous empêchent de rentrer (désolé Philippe). Attendez 4 ans que des
gens du voyage aient la bonne idée d'effectuer des travaux de maçonnerie!
Rentrez par la porte fracturée. Passez une journée entière à errer dans
l'architecture unique du chai. Revenez une deuxième fois pour prendre
4 photos avant de vous faire expulser par un employé du port autonome
quelque peu énervé.
10 janvier 2009. 8 heures du matin. 8 degrés en dessous de zéro au compteur.
Dans le silence trompeur du port autonome de Rouen, le cube quasi stalinien
du chai à vin commence à se découper dans l'aube.
Le chai relais, dessiné par l’architecte Pierre Maurice Lefebvre pour
la Chambre de Commerce de Rouen, fut inauguré en grande pompe en 1950.
Edifié pour reprendre la première place du commerce des vins en vrac avec
l’Afrique du nord, il est constitué de 250 cuves verrées intérieurement
pour une capacité totale de 100 000 hectolitres. Le vin en provenance
majoritairement d’Algérie était transféré dans les différentes cuves par
un réseau de tuyauterie, dépassant les 10 kilomètres de longueur, en attendant
d’être réparti dans différentes péniches à destination de la région parisienne.
Totalement automatisé, le chai à vin fonctionnait à l’aide de seulement
22 personnes attachées aux déchargements, aux contrôles et à l’administration.
Véritable réussite architecturale et technologique, il conserva une activité
liée au transit des spiritueux jusqu’au début des années 1970. Rétrocédé
au port autonome de Rouen, le rez-de-chaussée du chai fut utilisé par
la suite comme un simple bureau de douanes. Abandonné en 1991, ce bâtiment
unique abrita des événements culturels ponctuels avant d’être délaissé
et totalement pillé.
Une drôle d’idée que de passer une journée entière à subir des températures
polaires au milieu d’un bâtiment abandonné. Pourtant, malgré les pieds
gelés et la mâchoire engourdie par le froid, ce lieu dégage une atmosphère
magnétique. Il fait presque plus chaud sur le toit à contempler les silhouettes
fantomatiques des grues géantes attendant les chalands.