Techniques d’exploration : Débarquez sous une pluie diluvienne au pays
des géraniums. Faites deux fois le tour de l'imposant bâtiment. Evitez
les chiens cinglés. Rampez à travers un trou dans le mur. Ecoutez d'un
air qui se veut sérieux un autre touriste vous dire qu'il cherche du matériel
de pêche! Ouais, bien sûr!
La centrale thermique, dite "Strasbourg II", fut construite en 1957 au
cœur du port autonome de Strasbourg par l’architecte Théodore Sardnal
pour le compte d’EDF. Son emplacement stratégique lui permettait une alimentation
directe en eau ainsi qu’un approvisionnement en combustible par voie ferrée
et par péniches. D’une puissance de 250 mégawatts, la centrale fut désaffectée
en 1986 suite à la mise en service de l’interconnexion de Marlenheim.
En partie démoli, le cube principal fut vendu à un ferrailleur qui l’utilisa
pour stocker des pneus usagés avant qu’un incendie suspect ravage l’intérieur
de la centrale. La structure du bâtiment témoigne encore aujourd’hui de
la violence du sinistre et rend son exploration dangereuse. Et encore,
l’équilibre précaire des poutres métalliques n’est rien en comparaison
de l’air saturé d’amiante provenant des plaques de fibres compressées
qui composent le revêtement intérieur de la centrale.
Le temps exécrable de ce jour de juin 2007 fait vibrer la centrale de
1000 bruits métalliques et inquiétants. Ses énormes vitraux courant le
long de la structure la font ressembler à une cathédrale dressée pour
célébrer la fin d’un monde qui s’effrite de jour en jour. Noir de poussière,
les lieux me font ressentir un mélange confus de sensations esthétiques
et oppressantes. Je me glisse dans le boyau étroit pour retrouver la pluie
froide qui cingle mon visage.
Fin 2008 : la centrale n’est plus qu’un souvenir, rasée par la machine
implacable du temps et des hommes.